Lancement des Rencontres Mensuelles Gaivota (autour du fado portugais)
Événement organisé par l’association Gaivota au Château Lorenz. Bry-sur-Marne. 15 /01/2017
Par Pepe Pastor / Frida Calderón
La nuit était tombée depuis quelques heures quand Monica Cunha attaquait les premiers vers de Cheira a Lisboa. Les gens chantaient, battaient les mains, buvaient du vin et de la bière portugaise. Le fado c’est aussi la fête ! -s’écriait Christian me regardant dans les yeux, les mains appuyées sur la table- dire qu’il n’y a que de la tristesse et de la nostalgie… c’est de la fausse pub ! Cheira bem, cheira a Lisboa, chantait Monica. Une atmosphère à taverne lisboète semblait se libérer et se répandre dans la salle. Ça sentait Lisbonne. Et pourtant nous n’étions pas à Lisbonne. Nous étions dans une salle, en rez-de-jardin, du Château Lorenz à Bry-sur-Marne, à quelques kilométrés près du lieu où à la fin des années soixante des milliers d’immigrants portugais s’entassaient dans le bidonville de Champigny.
Au début de l’après-midi, Daniel Dos Santos, l’animateur du lancement des Rencontres mensuelles Gaivota, avait insisté pour dire que l’un des souhaits de l’association Gaivota était de reproduire le climat des tavernes lisboètes : c’était réussi ! Cependant, l’association veut aller plus loin avec ces rencontres. Ils proposent de se retrouver autour du fado, de chanter les vielles et nouvelles chansons, de parler ou d’entendre parler le portugais, de manger et boire comme au pays, mais surtout, ils veulent faire des Rencontres Gaivota un lieu d’échange culturel, une ouverture sur les gens qui n’ont pas des origines portugais. Une fois par mois, des comédiens, des artistes plasticiens, des écrivains, des chanteurs, des musiciens de toutes cultures sont invités sur la scène ouverte des Rencontres Gaivota, avec le fado comme fil conducteur.
Assise derrière une table pleine de livres, l’écrivaine Altina Ribeiro écoutais avec un sourire de bonheur Manuel Miranda jouer la viola et chanter un vieux fado avec Casimiro Silva et Dominique Oguic aux guitares. Ce bien-être se propagea rapidement et contaminât les assistants. Sur la scène passèrent les invités du jour, accompagnés toujours par Patrick Pernet au piano : Margo récitait un poème, Suzete chantais en portugais et en français, tout comme Alexandra, sa fille de neuf ans, qui interprétait Piaf laissant le public bouche ouverte, Faustine jouait un morceau d’une pièce de théâtre néo-réaliste, Christian -ami d’un espagnol de Drancy qui lui a appris la rumba catalana- se mettait au fado, et enfin João, éditeur et divulgateur de la culture portugaise, encourageait les présents avec l’énergie de ses mains pour soutenir une association du coin. Il y avait un air de tache accomplie dans les yeux d’Altina lorsqu’elle prit son livre entre les mains pour lire un morceau sur scène. Son autobiographie, Le fado pour seul bagage (publiée en 2005), traduite au portugais sous le titre de De São Vicente a Paris, raconte son exil et celui de sa famille à l’époque de la dictature de Salazar. Arrivée en France en 1969, à l’âge de neuf ans, elle raconte son enfance à São Vicente da Raia, dans le nord-est du Portugal et la difficile adaptation de ses premières années dans une grande ville comme Paris.
Mais s’il y avait quelqu’un vraiment heureux, ça devait être Maria-José Henriques, la présidente de l’association Gaivota, et responsable, avec Daniel Dos Santos, de l’organisation des Rencontres Gaivota. Belle coïncidence, anniversaire et lancement des Rencontres le même jour. Entourée des siens et avec sa petit-fille assise sur les genoux, la musique des guitares accompagnait le Joyeux anniversaire chanté par tout le monde. Dans la soirée Maria-José et Daniel nous ont expliqué l’intérêt de l’association de diffuser et promouvoir le fado, mais aussi d’assurer sa transmission avec par exemple la création d’une chorale de chants traditionnels portugais, ou le très intéressant projet « Fado à la maison » qui permettra de s’offrir chez soi l’ambiance des légendaires maisons de fado de Lisbonne. Par ailleurs,-a dit Maria-José- c’est très important de soutenir des initiatives comme celle de Valérie do Carmo (fondatrice de l’Académie de Fado à Vincennes, la première école de musique de fado en France). D’autres projets autour des cultures lusophones vont se développer, comme les cours de capoeira ou les cours de langue portugaise.
Près de la table des livres, Daniel Dos Santos, l’organisateur et l’animateur de la soirée attendait le moment pour se transformer en Dan Inger, le bluesman. L’un des livres exposés était le sien : Trois notes de blues pour un fado, une série d’entretiens avec Altina Ribeiro. Debout, chemise noire, paré de sa guitare acoustique et son harmonica, il regardait tranquillement la fin de l’actuation qui le précédait. Daniel est né de parents portugais à Ozoir-la-Ferrière, à une vingtaine de kilomètres de l’ancien bidonville de Champigny-sur-Marne. Ce soir, on a entendu ce mot à plusieurs reprises, faufilé entre les rires, les chansons et les discours : « Champigny ».
Les premières notes s’écoulèrent de la guitare de Dan. Dehors, quelques flocons de neige tombaient sur la cour du château, comme ils tombèrent sûrement sur les baraques l’hiver de 1969, tout près, à Champigny.
Prochaines Rencontres Mensuelles Gaivota : 19 Février, 19 Mars, 23 Avril.
Événement Facebook Rencontres Gaivota 19 Février
https://www.facebook.com/events/1167548360008924/
Pour plus d’info sur l’association Gaivota :
https://www.facebook.com/associationgaivota/
Pour écouter du bon fado à la radio : Só Fado, une émission de Radio Alfa, les vendredis de 21h à
23h, animée par Manuel Miranda, Odete Fernandes et Fernando Silva.
http://radioalfa986.net/emissions.php?idEmission=fc490ca45c00b1249bbe3554a4fdf6fb
2 Comments
Je ne sais pas qui a écrit cet article, car il n’est pas signé, mais je tiens à vous remercier car il résume avec habilité cette superbe rencontre de nos échanges culturels !
Merci beaucoup Filipe pour votre commentaire, c’est très gentil.