La Pachamanca andine en Île de France, rituel de remerciement à la Terre-Mère
Pep Pastor / Olivier Ravinet
Lorsque nous sommes arrivés à Esbly (Seine et Marne) à neuf heures du matin, Miguel et Pedro préparaient déjà le feu pour faire chauffer les pierres. C’était septembre, il faisait encore beau. Une longue journée de fête allait commencer dans le jardin d’un immeuble à quatre étages en rase campagne.
L’association Amador Ballumbrosio organise depuis quelques annnées une pachamanca annuelle pour faire connaître son objectif : sauvegarder la culture péruvienne. Amador, le père de Miguel Ballumbrosio, décédé il y a trois ans, était l’une des figures incontournables de la culture afro-péruvienne dans son pays, notamment dans le domaine de la tradition musicale dite Atajo de Negritos. Désormais, son fils Miguel est le porteur de cette pratique en Île de France.
Miguel, coiffé d’un foulard rouge, et Pedro, un afro-péruvien-andalou qui ponctue sa conversation de mots appris lors de son séjour à Séville, avaient déjà déposé dans un trou creusé dans un coin du jardin la première couche de pierres, et de pommes de terre (papas). Les gens arrivaient, les voisins français, beaucoup de latino-américains, les amis musiciens, et aussi quelques parisiens curieux d’en savoir plus sur cette histoire de la pachamanca.
La pachamanca est un plat traditionnel des Andes existant depuis l’époque préhispanique et dont la préparation est liée au culte de la Terre-Mère. « Pacha » signifie terre en quechua et « manca » signifie casserole en quechua et nourriture en aymara, la pachamanca est donc « le plat de terre » ou « la nourriture de la terre ». Les peuples préhispaniques des Waris et des Incas célébraient cette pratique culinaire pour honorer la fertilité de la terre et remercier la Terre-Mère (Pachamama), dont la finalité rituelle était de se nourrir directement des entrailles de la terre.
Par terre, juste à coté du trou de cuisson, il y avait des caisses pleines de papas, de choclos (maïs), et de humitas (pâte faite à base de maïs moulu frais, viande et fromage, enveloppée dans des feuilles de maïs). Plus loin, une longue table en bois marquait la frontière entre Miguel et Pedro et les convives, qui observaient avec attention comment les pachamanqueros péruviens disposaient les feuilles de banane qui allaient accueillir les premières pièces de viande. Sur la table les bols de viande de poulet et d’agneau qui avaient été préalablement marinées.
Quelques minutes plus tard, Sylvie Ballumbrosio, une française amoureuse du Pérou, munie d’une zampoña (flûte de pan andine) et d’un tambour annonçait aux invités la suite du rituel.
« Mesdames et Messieurs, on va procéder à la mise en terre des aliments…on en profite pour prendre conscience que notre terre, elle nous porte toute l’année, elle nous donne des fruits, des légumes, elle nous nourri…on doit la respecter, on doit l’aimer, la pachamanca est justement un rituel de remerciement à la Terre…on est très heureux de vous avoir avec nous, …et on va accompagner la mise en terre des aliments avec la musique andine parce que c’est un rituel qui vient des Incas, c’est très ancien… »
Une fois que Sylvie eut terminé, Miguel et Pedro commencèrent à disposer soigneusement les morceaux de viande marinée, alors que Sylvie, accompagnée de Carlos à la guitare, chantait et jouait en même temps de la zampoña et du tambour.
Après une demi-heure tout était prêt pour couvrir les aliments, une dernière couche de pierres plates et de feuilles de banane, ensuite, des draps colorés et au-dessus, quatre ou cinq pelletées de terre.
Mais ce n’était pas tout, il y avait le parrain. Oui, le parrain c’est la personne chargée de couronner la pachamanca avec une croix garnie de fleurs. Un petit discours de remerciements et quelques gouttes de pisco (eau-de-vie de raisin) sont les derniers devoirs du métier de parrain de pachamanca; et cette fois-ci, l’honneur revint au voisin français qui habitait de l’autre coté du mur du jardin. Cependant, ce fut Rodolfo, le musicien péruvien qui avait expliqué le rituel au parrain français, qui eut le dernier mot. Il leva son verre de pisco et cria : Et maintenant, quatre heures d’apéro !
Et la musique recommença.
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